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Le système des voies de recours
Les recours se situent à la croisée d’intérêts divergents de l’Etat de
droit. Ainsi, l’objectif d’un
jugement
qui soit aussi
juste et conforme au droit
que possible ne peut être atteint que grâce à un système de voies de recours
suffisamment développé; d’un autre côté, cependant, l’exigence d’une justice
rapide et peu dispendieuse
– thème qui est aussi d’actualité dans le cadre des réformes judiciaires
entreprises à l’étranger – implique une limitation du nombre des voies
de droit. Entre ces deux objectifs antagonistes, le projet emprunte la
voie du
compromis
. A l’instar des systèmes cantonaux, le projet renonce à introduire le
recours unifié
, contrairement à la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral dans le cadre
de la réforme de l’organisation judiciaire. Le projet prévoit, au contraire,
conformément au modèle classique, une
pluralité de voies de recours
. La grande majorité des participants à la consultation a salué ce choix,
alors que l’unité des voies de recours dans le cadre de la réforme de l’organisation
judiciaire fédérale n’a pas pu être pleinement réalisée. L’avant-projet
prévoyait trois
voies de recours principales
: l’appel (art. 290 ss AP), l’appel simplifié, une variante de l’appel
(art. 299 ss AP) et le recours limité au droit (art. 310 ss AP). Par souci
de simplification, certains participants à la consultation ont préconisé
la fusion de l’appel simplifié et de l’appel. Tenant compte de cette suggestion,
le projet prévoit les voies de droit suivantes:
– l’
appel
, voie de recours principale, recours ordinaire avec un plein pouvoir
d’examen (art. 308 à 318);
– le
recours
en tant que voie, par principe, subsidiaire, recours extraordinaire avec
pouvoir d’examen limité (art. 319 à 327a);
– la
révision
, ainsi que l’
interprétation
et la
rectification
en tant que moyens de droit extraordinaires (art. 328 à 334).
Il convient d’éviter que les voies de recours soient utilisées à des fins
dilatoires
, ce qui prolongerait la procédure et retarderait l’exécution des décisions.
Aussi le projet prévoit-il que tout recours – l’appel, le recours et la
révision – peut être rejeté sur-le-champ et sans que la partie adverse
se soit déterminée, s’il apparaît comme étant manifestement irrecevable
ou infondé (
examen préalable
, voir art. 312, 322 et 330). La deuxième instance peut en outre prendre
en considération les chances d’aboutissement d’un recours
en retirant ou en accordant l’effet suspensif
.
Exigences de l’organisation judiciaire fédérale
Les instances de recours cantonales doivent se conformer aux exigences
de la loi sur le Tribunal fédéral, afin que la saisie du Tribunal fédéral
ne soit pas entravée:
– Le principe du
double degré de juridiction
s’applique (art. 75 LTF). D’après ce principe, une décision cantonale
de première instance doit être déférée devant une instance cantonale supérieure
avant d’être portée devant le Tribunal fédéral.
– Le
pouvoir d’examen
de la dernière instance cantonale ne doit pas être plus restreint que
celui du Tribunal fédéral (art. 111 al. 3 LTF).
– Dans les litiges patrimoniaux, les questions juridiques de principe
peuvent être soumises au Tribunal fédéral alors même que les limites de
la valeur litigieuse fixées par la loi sur le Tribunal fédéral ne sont
pas atteintes (art. 74 LTF). Les décisions prises dans de tels litiges
doivent être sujettes à recours sur le plan cantonal si l’on veut satisfaire
au principe du
double degré de juridiction
.
Le projet respecte entièrement ces exigences. En effet, il soumet tout
d’abord
toute décision prise en première instance cantonale
à recours au plan cantonal. Lorsque l’appel n’est pas recevable en raison
d’une valeur litigieuse trop basse (art. 308) ou de l’existence d’une exception
(art. 309), le recours est ouvert (art. 319 ss). Il correspond au recours
en matière civile quant aux griefs pouvant être invoqués (art. 95 ss LTF).
En revanche, le projet utilise pleinement les – rares – possibilités de
recours direct au Tribunal fédéral prévues par la loi sur le Tribunal fédéral
(art. 75 al. 2 et 77 LTF). En effet, la décision prise en instance cantonale
unique (art. 5), rendue par le tribunal de commerce (art. 6) ou prononcée
suite à une action directe devant le tribunal supérieur (art. 8), ainsi
que la sentence rendue par un tribunal arbitral (art. 389), peuvent être
directement attaquées devant le Tribunal fédéral (voir ch. 2 de l’annexe).
Art. 308 et 309 Décisions attaquables
- En règle générale, toute décision de première instance en matière contentieuse
ou gracieuse (décision au fond ou d’irrecevabilité) est sujette à appel
(art. 308, al. 1), qu’elle ait été prononcée en procédure ordinaire, simplifiée, sommaire
ou de droit de la famille. Peu importe également qu’il s’agisse d’une décision
finale ou incidente (art. 236 s.). Seules les ordonnances d’instruction
ne sont pas sujettes à appel: elles peuvent toutefois faire l’objet d’un
recours mais à certaines conditions (art. 319 let. b). Les décisions relatives
aux mesures provisionnelles en particulier sont aussi sujettes à appel.
Le régime de l’appel connaît cependant des
exceptions
importantes:
– L’appel n’est pas recevable contre les décisions prises en
instance cantonale unique
(art. 5 à 8) ou par un
tribunal arbitral
(art. 356).
– Les
causes civiles de nature patrimoniale
ne sont sujettes à appel que si la
valeur litigieuse
atteint au
moins 10 000 francs
(art. 308, al. 2). Si tel n’est pas le cas, seule la voie du recours est ouverte (art.
319 ss). Comparée aux droits cantonaux en vigueur, la valeur litigieuse
minimale a été légèrement augmentée (la plupart des cantons prévoient un
montant de 8000 francs). La valeur litigieuse minimale ne doit pas être
calculée – contrairement à ce que prévoyait l’avant-projet (art. 290, al.
2, AP) – selon le système du
gravamen (selon ce système, la valeur litigieuse est déterminée par la
différence entre le montant des dernières conclusions maintenues et celui
admis dans le jugement de première instance. Les cantons de BL et BS appliquent
cette méthode
), mais correspond au montant qui était encore litigieux au moment du
jugement de première instance. Le système du gravamen a été très contesté
lors de la consultation car il restreint encore davantage les voies de
recours. Il n’a pas réussi à s’imposer non plus lors des délibérations
parlementaires sur la loi sur le Tribunal fédéral. Comme il serait contradictoire
de calculer différemment la valeur litigieuse selon que le recours soit
cantonal ou fédéral, ce système doit être abandonné. Les
causes civiles de nature non patrimoniale
(p. ex. les causes relatives à un état) sont, en revanche, toujours sujettes
à appel.
– La limite de la valeur litigieuse est aussi valable pour le recours
contre des
mesures provisionnelles
ordonnées dans un litige de nature patrimoniale, ainsi que pour le
séquestre
au sens de la LP: la décision sur opposition peut être ainsi attaquée
par appel si la valeur de l’objet séquestré atteint au moins 10 000 francs
(art. 278, al. 3, P-LP; voir ch. 17 de l’annexe); si tel n’est pas le cas,
il faut intenter un recours (art. 319 ss).
– Une série de décisions prises en
procédure sommaire
ne sont pas non plus sujettes à appel (art. 309): celles rendues par le
tribunal de l’exécution
(let. a) et dans certaines affaires relevant de la
poursuite pour dettes (let. b). Ces cas demandent à être liquidés rapidement. La mainlevée définitive
de l’opposition, par exemple, aboutit déjà en principe à une décision exécutoire
et, en cas de mainlevée provisoire, le débiteur peut opposer toutes les
objections en intentant une action en libération de dette. Une voie de
recours avec pouvoir d’examen complet n’est par conséquent pas nécessaire.
Ces décisions sont néanmoins sujettes au recours (art. 319 ss; voir ch.
17 de l’annexe).
– Enfin, l’appel peut être écarté par une
disposition spéciale
du projet: c’est le cas notamment de la décision sur les frais, laquelle
ne peut pas être attaquée séparément, quand bien même la cause principale
serait sujette à appel (art. 110).