Art. 98 Avance de frais
1 Le tribunal ou l’autorité de conciliation peuvent exiger du demandeur une avance à concurrence de la moitié des frais judiciaires présumés.
2 Ils peuvent exiger une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés:
a. pour les procédures visées à l’art. 6, al. 4, let. c, et à l’art. 8;
b. pour la procédure de conciliation;
c. pour la procédure sommaire, à l’exception des mesures provisionnelles visées à l’art. 248, let. d, et des litiges relevant du droit de la famille visés aux art. 271, 276, 302 et 305;
d. pour la procédure de recours.
Art. 98 Avance de frais
Le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.
Selon l’avant-projet, l’avance à charge de la partie demanderesse ne pouvait atteindre que la moitié des frais judiciaires présumés. La règle a été fortement critiquée en procédure de consultation, en raison notamment du risque auquel elle exposait les cantons. Le projet étend par conséquent l’obligation à la totalité des frais judiciaires présumés. La règle n’a toutefois qu’un caractère dispositif. Le tribunal peut s’en écarter pour des raisons d’équité. Lorsque, par exemple, la partie demanderesse dispose d’un revenu à peine supérieur au minimum vital mais ne remplit pas les conditions d’octroi de l’assistance judiciaire, le montant de l’avance devrait être réduit. A défaut, l’avance exigée serait prohibitive et porterait atteinte au droit d’accès à la justice. L’avance incombe au demandeur, le cas échéant au demandeur reconventionnel et au recourant. Contrairement aux sûretés en garantie des dépens, elle doit toujours être effectuée en argent (voir art. 100).
p. 2616 s.: L’avant-projet prévoyait pour l’essentiel les adaptations suivantes:
– modifications en matière de frais: suppression des obstacles financiers grâce à la limitation de l’avance de frais à la moitié des frais judiciaires présumés (art. 98 AP-CPC) et à l’adaptation des dispositions concernant le règlement des frais (art. 111 AP-CPC);
[…].
p. 2618 s.: Les propositions en matière de frais ont été controversées sur le plan politique. Une majorité de cantons s’est prononcée contre les nouvelles règles de répartition proposées, invoquant avant tout la charge financière supplémentaire qu’elles impliqueraient et s’opposant également à la limitation de l’avance de frais à la moitié des frais judiciaires présumés. A l’inverse, une nette majorité de partis et d’organisations ainsi que 4 cantons se sont prononcés en faveur de ces modifications, demandant parfois même des mesures beaucoup plus importantes pour faciliter l’accès à la justice. Les participants à la consultation ont toutefois largement admis que les règles en vigueur en matière de frais posaient problème, certains cantons proposant d’autres solutions. Au vu de ces résultats, le Conseil fédéral maintient pour l’essentiel ses propositions. Les réserves formulées par les cantons doivent toutefois être prises en compte dans la conception concrète des nouvelles règles, notamment par le biais de différentes exceptions au principe de la limitation de l’avance de frais à la moitié des frais judiciaires présumés (voir le ch. 4.1.1 ainsi que le commentaire de l’art. 98 P-CPC). En revanche, les propositions des participants visant à réduire encore plus le montant de l’avance de frais et celui des frais judiciaires, à unifier ou à harmoniser ces derniers à l’échelle nationale et à faciliter encore l’accès à l’assistance judiciaire ne semblent pas aujourd’hui pouvoir réunir une majorité.
p. 2622: Les nombreuses critiques visant les dispositions actuelles en matière de frais sont justifiées et ont été confirmées par une majorité de participants à la consultation. Afin d’y remédier et en particulier de garantir un meilleur accès à la justice aux personnes n’étant ni particulièrement fortunées, ni en situation de pouvoir bénéficier de l’assistance judiciaire au sens des art. 117 ss CPC, le Conseil fédéral propose les mesures ci-après:
– Le projet prévoit sur le principe de limiter l’avance de frais au sens de l’art. 98 CPC à la moitié des frais judiciaires présumés, comme le prévoyaient à l’époque certains droits cantonaux et l’avant-projet de CPC de 2003. Une telle mesure permet de réduire considérablement les difficultés d’accès à la justice sans toutefois remettre en question la fonction de filtre et d’avertissement de l’avance de frais. Cette proposition a été soutenue par une large majorité des participants à la consultation. Le projet tient toutefois compte des critiques –émanant presque exclusivement des cantons – en prévoyant des exceptions au principe de la limitation, soit lorsque l’avance de frais est peu élevée en raison du faible montant des frais attendus, soit pour les procédures dans lesquelles une avance de frais plus importante paraît justifiée (en particulier dans les procédures de conciliation, les procédures sommaires et pour les voies de de droit; voir l’art. 98, al. 2, P-CPC et le commentaire de cette disposition au ch. 5.1).
[…].
p. 2648 ss: Art. 98 Avance de frais
Selon le texte en vigueur de cette disposition, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés et le prévenir qu’à défaut de versement, il n’entrera pas en matière sur la demande ou la requête (art. 101, al. 3, CPC). Cette réglementation, qui est nettement plus stricte et désavantageuse pour le demandeur que l’ancien droit dans certains cantons, a été largement critiquée, notamment depuis l’entrée en vigueur du CPC (voir les ch. 1.1.5, 2.1 et 4.1.1); elle illustre bien la critique à l’encontre des obstacles financiers entravant à l’accès à la justice (ou paywall) (voir Mario Stäuble, Die Justiz hinter der Paywall, Tages-Anzeiger du 3 août 2016 et aussi Martin Hablützel, Schweizerische ZPO, eine Anleitung, wie man Rechtssuchende vom Gang zum Gericht abhält, REAS 2019, p. 134 ss.).
Le Conseil fédéral avait déjà proposé dans l’avant-projet que l’avance de frais exigée par le tribunal ne dépasse pas la moitié des frais judiciaires présumés (art. 98, al. 1, AP-CPC). Cette proposition figurait d’ailleurs également dans l’avant-projet soumis à la consultation en 2003. À l’époque, la commission d’experts avait souligné qu’il s’agissait là d’une «ligne médiane entre les réglementations cantonales» et que l’avance de frais n’était pas si élevée qu’elle entraverait démesurément l’accès aux tribunaux (Rapport explicatif relatif à l’avant-projet, p. 52). En raison des critiques formulées alors par les cantons, qui craignaient devoir supporter des coûts supplémentaires, la limite supérieure a été fixée dans la loi à la totalité des frais judiciaires présumés. Les considérations liées à l’État de droit n’ont pas été suffisamment prises en compte, ce que le Conseil fédéral entend corriger maintenant. La proposition a suscité des réactions divergentes lors de la consultation: si de nombreux cantons, partis et organisations y sont favorables et ont parfois même proposé de limiter davantage le montant maximal des avances, une petite majorité des cantons la rejette en invoquant les coûts supplémentaires qu’elle implique (synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.1 et 5.16). Malgré ces critiques, le Conseil fédéral confirme sa position visant à réduire de moitié l’avance de frais, mais la relativise en complétant la disposition en un point essentiel: contrairement à ce que prévoyait l’avant-projet, il sera possible de continuer à exiger une avance correspondant à la totalité des frais judiciaires présumés pour certaines procédures. Il s’agit là d’une exception à la règle générale, qui était également prévue dans l’avant-projet de la commission d’experts de 2003. Le Conseil fédéral tient ainsi compte des craintes formulées par les cantons. Le nouvel al. 1 pose le principe selon lequel le montant de l’avance des frais judiciaires ne pourra pas dépasser la moitié des frais escomptés. Cette réglementation se justifie, ne serait-ce que par le fait que le risque lié aux frais est, dans l’abstrait, réparti par moitié entre le demandeur et le défendeur, de sorte que le demandeur devrait logiquement avancer seulement la moitié du montant prévisible des frais. Le principe de causalité commande lui aussi que des émoluments et des taxes puissent être exigés pour les prestations fournies par l’État, ces frais devant en principe être supportés par la personne qui a sollicité les prestations et est de ce fait à l’origine des dépenses. Enfin, la possibilité d’exiger des avances de frais représente aussi un moyen efficace d’empêcher les procès abusifs, chicaniers ou émanant de justiciables quérulents. La disposition restera facultative, de sorte que les tribunaux devront décider, en tenant compte des circonstances concrètes, si le demandeur doit avancer les frais et, le cas échéant, dans quelle proportion. Comme les cantons restent souverains pour fixer les tarifs (voir le commentaire de l’art. 96), ce sont eux qui décident en fin de compte du montant maximal de l’avance.
Compte tenu des résultats de la consultation, le Conseil fédéral propose de prévoir dans un nouvel al. 2 que le juge pourra déroger au principe et exiger le versement de la totalité des frais judiciaires escomptés sous forme d’avance pour certaines procédures. La règle posée par le droit en vigueur deviendra donc l’exception, mais restera déterminante dans certaines procédures. Le projet prévoit ce qui suit:
– Selon la let. a, il sera possible, comme c’est déjà le cas actuellement, d’exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés pour les actions visées au nouvel art. 6, al. 4, let. c, et à l’art. 8 CPC. Dans ce type de procédure, la partie demanderesse saisit consciemment, volontairement et avec l’accord de l’autre partie directement le tribunal de commerce (art. 6, al. 4, let. c, P-CPC) ou une juridiction cantonale unique (art. 8 CPC), ce qui justifie parfaitement qu’elle soit appelée à verser une avance plus élevée. Ces considérations valent en particulier pour la saisie du tribunal de commerce dans les litiges commerciaux internationaux, que prévoit l’art. 6, al. 4, let. c, P-CPC (voir les explications à ce sujet au ch. 4.1.6 et le commentaire de l’art. 6, al. 4). Il en va autrement en cas de compétence ordinaire des juridictions statuant en instance cantonale unique visées aux art. 5 et 7 CPC et dans les autres cas visés à l’art. 6 CPC, car le demandeur n’a alors pas la possibilité de choisir le tribunal.
– Selon la let. b, une avance correspondant à la totalité des frais judiciaires présumés pourra être exigée pour la procédure de conciliation Cette proposition est reprise de l’avant-projet de la commission d’experts. Cette solution se justifie d’autant plus que les coûts de la procédure de conciliation sont peu élevés: l’obligation de verser une avance (modeste) a un effet d’avertissement et constitue un moyen efficace visant à empêcher les procès abusifs, chicaniers ou émanant de justiciables quérulents.
– Selon la let. c, il restera également possible d’exiger une avance correspondant à la totalité des frais judiciaires dans la procédure sommaire, à laquelle s’appliquent en règle générale des tarifs réduits: maintenir le système actuel facilitera notamment l’encaissement des frais judiciaires dans ce type de cas – nombreux – et réduira considérablement les coûts supplémentaires craints par les cantons. Sont concernées entre autres les affaires relevant de la LP et traitées en procédure sommaire conformément à l’art. 251 CPC. Cela permet aussi de garantir l’harmonisation avec la procédure de poursuite, pour laquelle les frais doivent être avancés par le créancier (voir l’art. 68, al. 1, LP). En contrepartie, seule une avance correspondant à la moitié des frais judiciaires escomptés pourra être demandée en cas de procédures sommaires portant sur les mesures provisionnelles visées aux art. 248, let. d, et 261 à 269 CPC, ou sur les litiges relevant du droit de la famille visés aux art. 271, 276, 302 et 305 CPC (avant tout sur les mesures protectrices de l’union conjugale, les mesures provisionnelles en procédure de divorce, les mesures visant à protéger les enfants ou encore les procédures en matière de partenariat enregistré). Dans ces cas spécifiques, l’accès à la justice ne doit en aucun cas être entravé par des avances de frais élevées; aujourd’hui déjà, les tribunaux renoncent d’ailleurs à exiger des avances ou ne demandent que des avances (forfaitaires) minimales dans les litiges relevant du droit de la famille.
– Selon la let. d, on pourra encore demander une avance de frais maximale pour la procédure de recours. Cette proposition correspond également à l’avant-projet de la commission d’experts. Exiger de la partie qui interjette recours de verser une avance plus élevée se justifie du fait qu’il faut remplir des conditions supplémentaires pour avoir accès à cette procédure.
p. 2687 s.: Le projet aura des conséquences pour les cantons à divers égards: […] Le projet modifie les règles sur le montant maximal de l’avance de frais (voir l’art. 98 P-CPC) et le règlement des frais (voir l’art. 111, al. 1 et 2, P-CPC). Dans la mesure où la justice, en tant que tâche essentielle au sein d’un État de droit, entraîne toujours des frais et des dépenses publiques, les modifications proposées auront des conséquences financières pour les cantons, à la fois directes et indirectes, comme relevé par ces derniers lors de la consultation (synthèse des résultats de la consultation, ch. 4.1 et 5.16). D’une part, conformément aux attentes, les avances de frais diminueront en pratique et, d’autre part, les cantons ne pourront plus compenser les frais judiciaires directement avec ces avances. Ce résultat est toutefois inévitable si l’on souhaite décharger les parties du risque d’une insolvabilité de la partie succombante, qui s’ajoute au risque toujours présent de perdre le procès et d’en supporter les frais; telle était déjà l’intention du législateur lors de l’adoption du CPC. Ces conséquences financières sont toutefois nettement atténuées par rapport à celles qu’impliquaient l’avant-projet, le projet prévoyant qu’une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés peut tout de même être exigée dans certains cas, la partie qui a eu gain de cause portant le risque d’insolvabilité dans ces cas (voir l’art. 98, al. 2, P-CPC en relation avec l’art. 111, al. 1, P-CPC). Ces conséquences ne peuvent être ni quantifiées, ni anticipées, ni globalement ni pour chaque canton, dans la mesure où elles dépendent de l’organisation des tribunaux et des autorités des différents cantons et de leurs pratiques en matière de tarif. L’expérience a toutefois montré que les pertes des cantons dues aux frais judiciaires en souffrance ou payés en retard peuvent être sensiblement diminuées par la mise en place d’un système d’encaissement efficace.
p. 2688: Les présentes modifications du CPC visent à améliorer la mise en œuvre des droits et la justice civile. Par conséquent, les coûts de la mise en œuvre des droits devraient baisser pour les particuliers, mais aussi et surtout pour les entreprises. Les obstacles financiers du droit en vigueur, en particulier les avances de frais élevées (voir l’art. 98 CPC) ainsi que le risque d’insolvabilité de la partie condamnée à supporter les frais (voir l’art. 111 CPC), qui sont parfois critiqués, sont éliminés.
p. 2690: Les modifications proposées visent à améliorer la procédure civile en vigueur, unifiée sur le plan national. C’est également le cas des adaptations proposées en matière de frais, domaine particulièrement sensible pour les cantons. Dans la mesure où ces derniers restent souverains en matière de tarif à une exception près, déjà prévue par le droit en vigueur, c’est-à-dire le domaine des émoluments LP (voir l’art. 96, al. 2, P-CPC et le commentaire de cette disposition), les modifications proposées des règles sur les frais – en particulier celles des art. 98 et 111 CPC sur l’avance de frais et le règlement des frais – respectent les principes de subsidiarité et d’équivalence fiscale. Ces modifications sont également justifiées par la nécessité d’une procédure civile nationale unifiée. Elles se fondent sur la compétence exhaustive de la Confédération en matière de procédure civile, prévue à l’art. 122 Cst., qui comprend en principe également l’organisation des tribunaux et des autorités de conciliation (voir également l’art. 3 CPC).