Art. 6 Tribunal de commerce
1 Les cantons peuvent instituer un tribunal spécial qui statue en tant qu’instance cantonale unique sur les litiges commerciaux (tribunal de commerce).
2 Un litige est considéré comme commercial aux conditions suivantes:
a. l’activité commerciale d’une partie au moins est concernée;
b. la valeur litigieuse dépasse 30 000 francs ou le litige est de nature non patrimoniale;
c. les parties sont inscrites comme entités juridiques au registre du commerce suisse ou dans un registre étranger équivalent.d. le litige ne relève pas du droit du travail, de la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l’emploi et la location de services [RS 823.11], de la loi du 24 mars 1995 sur l’égalité [RS 151.1], du droit du bail à loyer ou à ferme portant sur des habitations et des locaux commerciaux ni du droit du bail à ferme agricole.
3 Si toutes les conditions sont remplies mais que seul le défendeur est inscrit comme entité juridique au registre du commerce suisse ou dans un registre étranger équivalent, le demandeur peut agir soit devant le tribunal de commerce soit devant le tribunal ordinaire.
4 Les cantons peuvent également attribuer au tribunal de commerce:
a. les litiges mentionnés à l’art. 5, al. 1;
b. les litiges relevant du droit des sociétés commerciales et coopératives.c. les litiges satisfaisant aux conditions suivantes:
1. le litige concerne l’activité commerciale d’une partie au moins,
2. la valeur litigieuse est de 100 000 francs au moins,
3. les parties ont donné leur accord,
4. au moment où l’accord est conclu, une partie au moins a son domicile, sa résidence habituelle ou son siège à l’étranger.
5 Le tribunal de commerce est également compétent pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance.
6 Lorsque les actions concernent des consorts qui ne sont pas tous inscrits comme entité juridique au registre du commerce suisse ou dans un registre étranger équivalent, le tribunal de commerce est compétent uniquement s’il l’est pour toutes les actions.
Art. 6 Tribunal de commerce
1 Les cantons peuvent instituer un tribunal spécial qui statue en tant qu’instance cantonale unique sur les litiges commerciaux (tribunal de commerce).
2 Un litige est considéré comme commercial aux conditions suivantes:
a. l’activité commerciale d’une partie au moins est concernée;
b. un recours en matière civile au Tribunal fédéral peut être intenté contre la décision;
c. les parties sont inscrites au registre du commerce suisse ou dans un registre étranger équivalent.
3 Le demandeur peut agir soit devant le tribunal de commerce soit devant le tribunal ordinaire, si toutes les conditions sont remplies mais que seul le défendeur est inscrit au registre du commerce suisse ou dans un registre étranger équivalent.
4 Les cantons peuvent également attribuer au tribunal de commerce:
a. les litiges mentionnés à l’art. 5, al. 1;
b. les litiges relevant du droit des sociétés commerciales et coopératives.
5 Le tribunal de commerce est également compétent pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance.
Les cantons d’Argovie, de Berne, de St Gall et de Zurich, disposent d’importants tribunaux de commerce spécialisés qui ont remarquablement fait leurs preuves. L’association aux magistrats des juridictions supérieures de juges spécialisés non professionnels issus des branches concernées en constitue le principal atout. Ces juridictions sont exercées par les tribunaux supérieurs de ces cantons, ce qui renforce l’autorité de leurs jugements. Leur rôle international également exclut leur abolition. L’institution des tribunaux de commerce spécialisés est laissée à la liberté des cantons, mais le Conseil fédéral souhaite – comme la commission d’experts – en faciliter l’introduction. Sur ce point, le projet va plus loin que l’avant-projet. Les tribunaux de commerce statueront en instance unique , sans la possibilité de recours, ne serait-ce que restreint, à une autorité cantonale judiciaire supérieure, comme la prévoyait l’avant-projet. Les décisions de ces tribunaux seront directement passibles de recours en matière civile au Tribunal fédéral. La LTF autorise cette dérogation au principe de la double instance cantonale (art. 75 al. 2 let. b LTF). Elle a été souhaitée en procédure de consultation (al. 1). La limitation des instances est commandée non seulement par la technicité de ces affaires mais aussi par la célérité que requièrent les procédures commerciales.
La compétence matérielle des tribunaux de commerce, inspirée des règles cantonales, est subordonnée à trois critères cumulatifs: le litige doit résulter de l’activité commerciale d’une partie au moins (al. 2 let. a), la décision à rendre doit être susceptible de recours civil au Tribunal fédéral (al. 2 let. b) et les parties doivent être inscrites au registre du commerce suisse ou étranger (al 2 let. c). Le projet, plus restrictif que le droit actuel sur ce point et contrairement à l’avant-projet, requiert l’inscription des deux parties à la procédure au registre du commerce. L’acceptation tacite de la compétence, contrairement toujours à la solution de l’avant-projet, n’est pas admise. Ces choix ont été dictés par le souci d’éviter que le contentieux de la consommation de plus de 30 000 francs – l’achat d’un véhicule privé par exemple – ne relève des tribunaux de commerce plutôt que de la juridiction ordinaire. L’admission de l’acceptation tacite pourrait exposer la partie au risque de perdre sans le vouloir la double instance cantonale de la procédure ordinaire. Ce nonobstant, la compétence matérielle des tribunaux de commerce est délibérément large. L’al. 3 permet aux cantons de l’étendre encore aux litiges énumérés à l’art. 5 ainsi qu’aux litiges du droit des sociétés, des fonds de placement et des emprunts par obligations. Ils ont la faculté de subordonner l’extension à une valeur litigieuse. Le tribunal de commerce éventuellement institué est toujours compétent en matière de mesures provisionnelles (al. 4) afin d’éviter l’éclatement de la procédure.
p. 2625: Le projet prévoit la possibilité de mener une procédure de conciliation dans les litiges visés à l’art. 5, al. 1, let. b et d à i, ainsi qu’aux art. 6 et 8 CPC, lorsque le demandeur dépose une requête en ce sens auprès de l’autorité de conciliation (art. 199, al. 3, P-CPC). Il en va de même pour les litiges visés à l’art. 5, al. 1, let. a et c, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 30 000 francs. Il semble en effet opportun d’ouvrir pour ces cas l’accès à cette voie extrajudiciaire de règlement des litiges, afin notamment qu’elle puisse servir de moyen efficace d’interruption de la prescription.
p. 2628 (ch. 4.1.6, Création de bases légales fédérales permettant la mise en place de tribunaux spécialisés dans les affaires relevant du commerce international): Le Conseil fédéral propose de compléter l’art. 6, al. 4, CPC pour créer une base permettant aux cantons d’attribuer à leurs tribunaux de commerce certains types de litiges en matière de commerce international, ce qui permettra aux parties – en plus de la possibilité qui leur est donnée actuellement en application de l’art. 8 CPC (action directe devant le tribunal supérieur) – de proroger exceptionnellement pour ces affaires la compétence de ces tribunaux (voir l’art. 6, al. 4, let. c, P-CPC et le projet de nouvel art. 5, al. 3, let. c, de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé [LDIP]).
p. 2633 ss: Art. 6, al. 2, let. b, c et d, 3, 4, let. c, et 6
Sous le titre «Tribunal de commerce», l’art. 6 CPC règle en fait deux choses. Premièrement, cette disposition indique clairement, en concrétisation de l’art. 3 CPC (organisation des tribunaux et des autorités de conciliation), que les cantons peuvent instituer un tribunal de commerce, c’est-à-dire un tribunal spécial qui statue en tant qu’instance cantonale unique sur les litiges commerciaux (al. 1). Deuxièmement, pour les cantons ayant fait usage de cette faculté, elle règle exhaustivement la compétence à raison de la matière en définissant les litiges commerciaux (al. 2), de sorte que les cantons ne peuvent pas étendre cette compétence (ATF 140 III 155 c. 4.3).
Dès l’entrée en vigueur du CPC, cette disposition et son interprétation ont suscité des incertitudes et des controverses, qui ont entre-temps été en grande partie levées par la jurisprudence du Tribunal fédéral. Aujourd’hui, cette disposition, de même que la juridiction commerciale et les tribunaux de commerce ont donc incontestablement fait leurs preuves, comme le démontrent le nombre de cas stable, voire en légère augmentation, ainsi que la reconnaissance claire que les milieux scientifiques et doctrinaux témoignent à la juridiction commerciale (voir p. ex. Alexander Brunner, art. 6 no 7 ss, in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016 ainsi qu’Isaak Meier, Das Zürcher Handelsgericht im Kontext des Justizsystems, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 57 ss). Ce constat n’est en rien relativisé par le fait que le Tribunal fédéral ait, dans son rapport de gestion 2011, plaidé en faveur d’une instance de recours cantonale contre les décisions et ordonnances des tribunaux de commerce (Rapport de gestion du Tribunal fédéral 2011, p. 20). De l’avis du Conseil fédéral, cette proposition du Tribunal fédéral n’est plus d’actualité; il faut dès lors admettre que la dérogation au principe de la double instance cantonale pour les litiges de droit civil n’est plus contestée et qu’elle est adéquate (voir également les critiques à l’encontre de la proposition du Tribunal fédéral émises à l’époque par Isaak Meier, Das Zürcher Handelsgericht im Kontext des Justizsystems, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 74; Heinrich Andreas Müller, Schaffung eines innerkantonalen Rechtsmittels gegen Urteile der kantonalen Handelsgerichte?, RSJ 2012, p. 325 ss).
Au-delà de ces réflexions, le Conseil fédéral propose d’améliorer l’art. 6 CPC sur trois points:
– Les conditions permettant de définir qu’un litige est de nature commerciale, qui sont énumérées à l’al. 2, doivent être précisées et complétées en relation avec la possibilité de recourir au Tribunal fédéral (let. b), concernant l’obligation pour les parties d’être inscrites au registre du commerce (let. c, voir aussi la modification de l’al. 3) et – ce qui est nouveau – par rapport à l’exclusion des litiges en matière de droit du travail et de droit du bail (let. d); ce seront toujours les tribunaux ordinaires ou, le cas échéant, les tribunaux de prud’hommes ou du bail institués par l’organisation judiciaire cantonale qui seront compétents pour ces litiges spéciaux, qui ne relèvent pas vraiment du droit commercial, pour lesquels il existe souvent des autorités spéciales et auxquels il faut appliquer des règles de procédure particulières. En ce qui concerne les litiges relevant du droit du travail, la nouvelle situation correspond à celle qui prévalait dans les cantons disposant d’un tribunal de commerce (voir Meinrad Vetter/Matthias Brunner, Die sachliche Zuständigkeit der Handelsgerichte – eine Zwischenbilanz, PCEF 2013, p. 254 ss, 261; Julian Schwaller/Georg Naegeli, Die Zuständigkeit der Handelsgerichte gemäss Art. 6 Abs. 3 ZPO, Jusletter du 14 novembre 2011). Pour ce qui est des litiges concernant le bail et le bail à ferme portant sur des habitations et des locaux commerciaux, la solution proposée aboutit à une concentration de toutes les procédures auprès des tribunaux ordinaires ou des tribunaux des baux et loyers, indépendamment du type de procédure qui est applicable.
– L’al. 4 permet aux cantons d’attribuer au tribunal de commerce d’autres litiges que ceux visés aux al. 2 et 3. Afin de concrétiser les idées et efforts, déployés notamment par les cantons de Genève et de Zurich, visant à permettre aux cantons de créer des cours ou des chambres spécialisées appliquant des règles de procédure spéciales destinées au traitement de litiges internationaux (voir aussi le ch. 4.1.6 [p. 2628, supra]), le Conseil fédéral propose, compte tenu des avis formulés lors de la consultation, de compléter l’al. 4 par une nouvelle let. c: les cantons pourront également attribuer au tribunal de commerce certains types de litiges commerciaux internationaux si les parties le souhaitent ou y consentent.
– La loi statuera, conformément à la jurisprudence, qu’en cas de consorité simple, la compétence du tribunal de commerce est exclue lorsque ce dernier est compétent uniquement pour statuer sur quelques-unes de ces actions ou prétentions; le cas échéant, seuls les tribunaux ordinaires seront compétents (al. 6).
Caractère commercial du litige déterminé par la valeur litigieuse supérieure à 30 000 francs plutôt que par la recevabilité du recours en matière civile au Tribunal fédéral (al. 2, let. b). L’al. 2 en vigueur définit le litige commercial en posant notamment comme conditions que l’activité commerciale d’une partie au moins soit concernée (let. a) et qu’un recours en matière civile puisse être formé devant le Tribunal fédéral (let. b). Comme on ne peut guère imaginer que des litiges non patrimoniaux constituent des litiges commerciaux (voir Meinrad Vetter, art. 6 no22, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016 et Bernhard Berger, art. 6 no34, in BK ZPO, Berne 2012), le droit en vigueur exige simplement que la valeur litigieuse minimale fixée à l’art. 74, al. 1, LTF doit être atteinte, faute de quoi le recours au Tribunal fédéral n’est pas recevable; cette valeur s’élève actuellement à 30 000 francs. S’agissant de litiges relevant du droit du travail ou du droit du bail à loyer, dont la valeur litigieuse minimale doit être de 15 000 francs pour qu’un recours en matière civile soit recevable (art. 74, al. 1, let. a, LTF), la compétence du tribunal de commerce est exclue selon la jurisprudence du Tribunal fédéral: en application du principe qui énonce que le régime de la procédure applicable a la priorité sur la compétence matérielle du tribunal de commerce, la procédure simplifiée qui s’applique conformément à l’art. 243, al. 1 et 2, CPC exclut la compétence du tribunal de commerce (ATF 143 III 137 c. 2; 139 III 457 c. 4. Voir aussi Andreas Schneuwly, Das Verhältnis der sachlichen Zuständigkeit der Handelsgerichte zum vereinfachten Verfahrende lege lata und de lege ferenda, RSJ 2018, p. 361 ss.). Le Conseil fédéral avait proposé dans l’avant-projet de préciser cette règle dans un nouvel al. 7. Compte tenu des avis majoritairement favorables et des différentes propositions de mise en œuvre formulés lors de la procédure de consultation (synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.3), le Conseil fédéral propose de lier la compétence du tribunal de commerce directement à la valeur litigieuse, qui devra dépasser 30 000 francs. La compétence du tribunal de commerce et le recours à la procédure simplifiée seront mieux harmonisés en ce sens que le même critère s’appliquera dans les deux cas, du moins pour ce qui est des litiges patrimoniaux, qui sont les plus fréquents dans la pratique. La modification de l’al. 2, let. b, rend superflu le nouvel art. 6, al. 7, qui était proposé dans l’avant-projet. Dans la mesure où les cantons qui disposent d’un tribunal de commerce attribuent à celui-ci d’autres litiges visés à l’art. 6, al. 4, CPC, l’art. 243, al. 3, CPC et la jurisprudence du Tribunal fédéral, accordant la priorité aux règles concernant le type de procédure par rapport à celles concernant la compétence matérielle du tribunal, resteront applicables (ATF 143 III 137 c. 2; 139 III 457 c. 4. Contra Andreas Schneuwly, Das Verhältnis der sachlichen Zuständigkeit der Handelsgerichte zum vereinfachten Verfahrende lege lata und de lege ferenda, RSJ 2018, p. 361 ss).
Inscription au registre du commerce comme entité juridique (al. 2, let. c, et 3). Selon le texte en vigueur de l’al. 2, let. c, la troisième condition d’un litige commercial est que «les parties sont inscrites au registre du commerce suisse ou dans un registre étranger équivalent». Dans le message sur le CPC de 2006, le Conseil fédéral précisait – dans la version allemande – que les deux parties devaient être inscrites au registre du commerce suisse ou étranger sous une raison de commerce, bien que la disposition ne le dise pas clairement (version allemande du message sur le CPC, BBl 2006 6041, 7261). Ceci correspond à la doctrine majoritaire (voir Meinrad Vetter, art. 6 no 24, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; George Daetwyler/Christian Stalder, Allgemeiner Verfahrensgang und Zuständigkeit des Handelsgerichts, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 192 s.) et à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 140 III 409 c. 2 et 142 III 96 c. 3.3). À l’avenir, cette situation juridique doit résulter directement du texte de loi; celui-ci est donc modifié en conséquence. Il s’agit également de reprendre la terminologie précise du droit du registre du commerce et de définir comme condition l’inscription au registre du commerce des parties comme «entités juridiques» au sens de l’art. 2, al. 2, let. a, de l’ordonnance du 17 octobre 2007 sur le registre du commerce (RS 221.411), même si ce terme n’est pas très usuel. La même adaptation terminologique est apportée à l’al. 3 sans qu’il n’en résulte de modification matérielle.
Exclusion des litiges relevant du droit du travail et du droit du bail (al. 2, let. d). Lorsque seul le défendeur est inscrit comme entité juridique au registre du commerce (al. 2, let. c) et que les autres conditions d’un litige commercial prévues à l’al. 2 sont réalisées (à savoir un litige touchant l’activité commerciale d’au moins une des parties et le recours ouvert au Tribunal fédéral), la partie demanderesse a le choix, selon le droit en vigueur, entre le tribunal de commerce et le tribunal ordinaire (art. 6, al. 3, CPC). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce droit d’option n’est pas soumis à d’autres restrictions (ATF 138 III 694 c. 2; voir aussi Julian Schwaller/Georg Naegeli, Die Zuständigkeit der Handelsgerichte gemäss Art. 6 Abs. 3 ZPO, Jusletter du 14 novembre 2011) de sorte qu’un client peut s’en prévaloir pour agir contre un gérant de fortune inscrit au registre du commerce en tant qu’entreprise individuelle, de même qu’un consommateur peut l’invoquer contre un prestataire de services inscrit au registre du commerce (voir à ce propos Christoph Hurni, Sachliche Zuständigkeit des Handelsgerichts: Klägerwahlrechtauch für Konsumenten (Art. 6 Abs. 3 ZPO), RJB 2012, p. 989 ss.; Michel Heinzmann, note relative à l’ATF 138 III 694, RSPC 2013, p. 195 s.).
Compte tenu de la situation juridique actuelle, le Conseil fédéral juge qu’il est nécessaire de légiférer dans deux domaines. Premièrement, le droit actuel ne détermine pas clairement si les litiges de droit du travail relèvent de l’activité commerciale d’au moins une partie (voir l’art. 6, al. 2, let. a, CPC) et donc de la compétence des tribunaux de commerce (pour une compétence des tribunaux de commerce, notamment Bernhard Berger, art. 6 no 11, 24, in BK ZPO, Berne 2012; contra, en revanche, p. ex. Alexander Brunner, art. 6 no 34, 41 s. in DIKE ZPO, 2e éd., Zurich 2016; George Daetwyler/ Christian Stalder, Allgemeiner Verfahrensgang und Zuständigkeit des Handelsgerichts, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 178; Meinrad Vetter, art. 6 no 21a, in ZK ZPO, 3e éd., Zurich 2016; Ulrich Haas/Michael Schlumpf, art. 6 no 6 s., in KUKO ZPO, 2e éd., Bâle 2014; Jacques Haldy, art. 6 no 5, in CR CPC, 2e éd., Bâle 2019). Pour autant que l’on puisse en juger, il n’existe pas de jurisprudence définitive du Tribunal fédéral à ce sujet. Selon la jurisprudence du tribunal de commerce de Zurich, les litiges de droit du travail ne devraient pas relever de l’activité commerciale (voir le Tribunal de commerce de ZH, 16.07.2012, ZR 2012 no 58), de sorte que le droit d’option prévu à l’art. 6, al. 3, CPC n’entre pas en ligne de compte. Le Conseil fédéral estime que cette incertitude doit être levée par une précision de la loi. Le deuxième domaine où subsistent, malgré une riche jurisprudence du Tribunal fédéral, des incertitudes et des incohérences, concerne les litiges relevant du droit du bail à loyer ou à ferme de locaux d’habitation ou commerciaux. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les tribunaux de commerce sont compétents pour ces litiges (ATF 139 III 457 c. 3; cette règle s’applique indépendamment du fait qu’il s’agit d’un acte juridique de base, auxiliaire ou accessoire, voir George Daetwyler/Christian Stalder, Allgemeiner Verfahrensgang und Zuständigkeit des Handelsgerichts, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 175), pour autant qu’ils ne relèvent pas de la procédure simplifiée, car celle-ci exclut la compétence du tribunal de commerce (ATF 139 III 457 c. 3; voir également le commentaire de l’al. 2, let. b). Les cantons ne peuvent pas adopter de règles divergentes (ATF 140 III 155 c. 4). Cette situation engendre des insécurités quant à la délimitation des compétences (George Daetwyler/Christian Stalder, Allgemeiner Verfahrensgang und Zuständigkeit des Handelsgerichts, in Brunner/Nobel (éd.), Handelsgericht Zürich, 1866-2016, Zurich 2016, p. 175 s.; Urban Hulliger/Andreas Maag, Zur sachlichen Zuständigkeit der Handelsgerichte in mietrechtlichen Streitigkeiten – ein Zwischenbericht, MRA 4/2013, p. 3 ss).
Le Conseil fédéral avait proposé dans son avant-projet d’adapter le droit applicable aux litiges relevant du droit du travail et du droit du bail de façon à exclure le droit d’option en faveur du tribunal de commerce prévu à l’art. 6, al. 3, CPC en cas d’action d’un employé contre son employeur ou en cas de litiges relevant du droit du bail à loyer ou à ferme portant sur des habitations et des locaux commerciaux (voir l’art. 6, al. 3, AP-CPC). Le Conseil fédéral estimait que ces litiges devaient relever de la compétence des tribunaux ordinaires. Cette proposition a suscité des avis divergents lors de la procédure de consultation; la majorité des participants a jugé qu’il valait mieux exclure les litiges relevant du droit du travail et du droit du bail per se (y compris les litiges relevant de la loi du 24 mars 1995 sur l’égalité [LEg; RS 151.1) de la compétence du tribunal de commerce plutôt que limiter le droit d’option (Synthèse des résultats de la consultation, ch 5.3).
Compte tenu des avis exprimés, le Conseil fédéral propose d’exclure de façon générale la compétence du tribunal de commerce pour les litiges relevant du droit du travail et du droit du bail à loyer ou à ferme portant sur des habitations et des locaux commerciaux, en introduisant un nouvel al. 2, let. d. Sont concernés d’une part les litiges portant sur les rapports de travail (art. 319 ss du code des obligations [CO]) et ceux relevant de la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l’emploi et la location de service (LES; RS 823.11) et de la LEg, et d’autre part, les litiges concernant le bail et le bail à ferme portant sur des habitations et des locaux commerciaux (art. 253 ss CO) et le bail à ferme agricole (voir la loi fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole [LBFA; RS 221.213.2). Les tribunaux de commerce resteront toutefois compétents pour juger des litiges concernant le droit du travail et le droit du bail en cas de concours d’actions lorsqu’une prétention reposant sur les mêmes faits juridiques s’appuie à la fois sur le droit du travail ou du bail et sur d’autres fondements juridiques (voir Meinrad Vetter/Matthias Brunner, Die sachliche Zuständigkeit der Handelsgerichte – eine Zwischenbilanz, PCEF 2013, p. 254 ss, 261).
Compétence des cantons pour attribuer au tribunal de commerce certains litiges commerciaux internationaux avec l’accord des parties (al. 4, let. c). L’al. 4 pose le principe que les cantons disposant d’un tribunal de commerce peuvent lui attribuer certains autres litiges que ceux énumérés aux al. 2 et 3. Afin de concrétiser les idées et efforts, déployés notamment par les cantons de Genève et de Zurich, visant à permettre aux cantons de créer des cours ou des chambres spécialisées appliquant des règles de procédure spéciales destinées au traitement de litiges internationaux (voir aussi le ch. 4.1.6), le Conseil fédéral propose, compte tenu des propositions formulées lors de la consultation, de compléter l’al. 4 par une nouvelle let. c: les cantons pourront également attribuer au tribunal de commerce certains types de litiges commerciaux internationaux si les parties y consentent. Les tribunaux de commerce pourront fonctionner comme des tribunaux spécialisés dans les litiges internationaux. Dans les cas où une partie au moins a son domicile, sa résidence habituelle ou son siège ailleurs qu’en Suisse (voir aussi let. c, ch. 4), la compétence internationale de la Suisse et la compétence à raison du lieu du tribunal de commerce concerné sont présupposées. Ces compétences, qui découlent soit d’un rattachement subjectif – souvent d’une élection de for – soit d’un rattachement objectif (par ex. le domicile du défendeur) sont régies par les normes du droit international privé, dans la plupart des cas par la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 [RS 0.275.12] ou par la LDIP. La nouvelle let. c ne porte que sur la compétence matérielle et ne touche pas la compétence internationale ni la compétence à raison du lieu.
Les cantons qui entendent instituer un tribunal spécialisé dans les affaires relevant du commerce international doivent pouvoir lui attribuer certaines compétences allant au-delà des compétences définies jusqu’à présent, si les conditions suivantes sont remplies:
– Eu égard à la nature du tribunal de commerce, appelé à statuer en tant qu’instance cantonale unique sur les litiges commerciaux (voir l’art. 6, al. 1, CPC), sa compétence n’est justifiée que lorsque l’activité commerciale d’une partie au moins est concernée (ch. 1). Cette condition correspond à celle énoncée à l’art. 6, al. 2, let. a, CPC, à la différence que la partie ne doit pas être inscrite (comme entité juridique) au registre du commerce suisse (ni dans un registre étranger équivalent). Dans ce type de contentieux, seuls des litiges de nature commerciale, technique ou de nature comparable seront soumis à un tribunal de commerce, la notion de litige commercial devant être interprétée dans un sens large (voir à ce propos ATF 140 III 355 c. 2).
– Le litige devra être de nature patrimoniale et la valeur litigieuse devra être de 100 000 francs au moins (ch. 2). Sont de nature patrimoniale, conformément aux principes découlant de l’art. 91 CPC, les actions concluant au versement d’une somme d’argent ainsi que les actions qui portent sur des prétentions qui peuvent par nature être appréciées en argent; ce qui est déterminant, c’est la question de savoir si l’action vise finalement et de manière prépondérante un objectif de nature économique (voir à ce propos l’ATF 142 III 145, c. 6 avec d’autres références). La valeur litigieuse minimale proposée correspond à celle qui est fixée à l’art. 8 CPC en vigueur comme condition à la prorogation de l’action en faveur du tribunal supérieur.
– L’accord des parties sera nécessaire pour que le tribunal de commerce puisse statuer sur le litige (ch. 3). Comme pour la prorogation (à raison de la matière) en faveur du tribunal supérieur visée à l’art. 8 CPC, cet accord ne sera pas lié à des prescriptions de forme particulières et pourra donc être donné de façon informelle, notamment par acceptation tacite. Dans la mesure où une convention ou une clause d’élection de for a été conclue pour établir la compétence internationale de la Suisse et la compétence à raison du lieu d’un canton disposant d’un tribunal de commerce et que cette convention ou clause contient également la prorogation en faveur du tribunal de commerce, l’accord des parties sera considéré comme donné.
– Vu le caractère spécifiquement international de ces contentieux, au moins une partie au litige devra avoir son domicile, ou – si celui-ci fait défaut – sa résidence habituelle ou encore – s’il s’agit d’une personne morale – son siège ailleurs qu’en Suisse (ch. 4). Cette condition devra être remplie lorsque le tribunal saisi vérifiera si la compétence à raison de la matière est donnée; il suffira que la condition ait été remplie au moment de la conclusion du contrat ou de la convention d’élection de for. Ce lien suffisant avec l’étranger est une condition qui existe déjà dans le domaine de l’arbitrage (international) (voir l’art. 176, al. 1, P-LDIP selon le projet du 24 octobre 2018 et les commentaires à ce sujet dans le message correspondant [voir le message concernant la modification de la loi fédérale sur le droit international privé (Chapitre 12: Arbitrage international), FF 2018 7153 ss]). La prorogation en faveur d’un tribunal de commerce ne sera possible que si ce lien avec l’étranger existe, et si le canton qui dispose d’un tribunal de commerce l’habilite à trancher les litiges internationaux. Le tribunal de commerce élu ne pourra pas décliner sa compétence dans ces cas (voir le commentaire de l’art. 5 P-LDIP sous le ch. 5.2.2). Conformément au droit en vigueur, il ne sera pas possible de conclure des conventions sur la compétence à raison de la matière dans les situations qui ne comportent pas d’élément d’extranéité.
Attraction de compétence en faveur des tribunaux ordinaires en cas de consorité (al. 6) D’après le droit en vigueur, le droit fédéral ne règle pas de manière uniforme qui, du tribunal de commerce ou du tribunal ordinaire, est compétent lorsque le tribunal de commerce n’a de compétence matérielle que pour certains consorts; alors que seul le tribunal ordinaire est compétent dans les cantons de Zurich (mais seulement sur la base d’une règle cantonale tacite; ATF 138 III 471 c. 5c) et de Berne (décision du tribunal de commerce du canton de Berne du 9.12.2012, CAN 2013 no 58), la compétence en cas de consorité était dans certains cas partagée (voir l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2013 du 9 septembre 2013, c. 3) dans le canton d’Argovie jusqu’à la modification du § 12, al. 2 de la loi d’introduction du CPC du 23 mars 2010 (recueil systématique des lois argoviennes 221.200), qui prévoit désormais une attraction de compétence en faveur des tribunaux ordinaires. Cette situation juridique complique le travail des autorités chargées de l’application du droit. Le Conseil fédéral a proposé dans le cadre de la consultation d’harmoniser, au niveau du droit fédéral, les règles de compétence en matière de consorité simple (passive) et de prévoir, dans un nouvel al. 6, une attraction de compétence en faveur du tribunal ordinaire lorsque le tribunal de commerce est compétent uniquement pour statuer à l’égard de quelques-uns des consorts. Cette proposition a satisfait une majorité de participants à la procédure de consultation (synthèse des résultats de la consultation, ch. 5.3 et 5.38). Plusieurs acteurs ont souhaité que la même règle s’applique à tous les cas de consorité simple (c’est-à-dire également à la consorité simple active) mais pas aux cas où le tribunal de commerce est compétent en vertu de l’art. 6, al. 4, CPC. L’al. 6 a donc été reformulé: il ne fait plus de distinction entre la consorité simple active ou passive et ne restreint pas le droit d’option visé à l’al. 3.
p. 2687: Conformément au droit en vigueur, les cantons sont souverains en matière d’organisation des tribunaux et des autorités de conciliation, à moins que la loi n’en dispose autrement (art. 3 CPC). Bien que la présente révision n’intervienne pas directement dans les organisations judiciaires cantonales, qui ont fait leurs preuves, des adaptations pourront s’avérer nécessaires dans ce domaine, par exemple en ce qui concerne l’autorité de conciliation, ou dans les cantons ayant institué un tribunal de commerce. Les modifications proposées permettant la création de tribunaux spécialisés dans les affaires relevant du commerce international (voir le ch. 4.1.6 et les art. 6, al. 4, let. c, et 129, al. 2 P-CPC) donneront en outre la possibilité – et non l’obligation – aux cantons de procéder lorsqu’ils l’estiment opportun à de nouvelles adaptations dans l’organisation de leurs tribunaux et de leurs autorités.