Article 347
Mis à jour le 26.08.2014
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Art. 347 Caractère exécutoire

Les titres authentiques relatifs à des prestations de toute nature peuvent être exécutés comme des décisions aux conditions suivantes:

a. la partie qui s’oblige a expressément déclaré dans le titre qu’elle reconnaissait l’exécution directe de la prestation;
b. la cause juridique de la prestation est mentionnée dans le titre;
c. la prestation due est:

1. suffisamment déterminée dans le titre,
2. reconnue dans le titre par la partie qui s’oblige,
3. exigible.

Message
p. 6993

Exécution de titres authentiques (art. 347-352) : Avec le titre authentique exécutoire, le projet introduit une nouvelle institution dans l’ordre juridique suisse. Elle est largement répandue dans les Etats européens (dans les pays voisins de la Suisse mais aussi en Ecosse, en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas). Il n’en existe toutefois pas de modèle unifié (sur le plan européen), car chaque Etat définit le titre authentique exécutoire de manière différente. De ce fait, la marge de manœuvre est également large pour le législateur suisse: cette institution peut être adaptée à l’ordre juridique actuel. Dans les grandes lignes, ce titre autorise une partie à faire exécuter directement la prétention qu’il atteste, sans intenter de procès civil. Le titre authentique est ainsi exécutoire en lui-même, bien qu’il ne soit pas revêtu de la force de chose jugée. Même si l’exécution est en cours, le débiteur peut toujours soumettre la prétention à un tribunal, mais le rôle, souvent plus difficile, de demandeur lui incombera alors et le procès civil en cours ne suspendra pas automatiquement l’exécution. Cette nouvelle institution a été controversée en procédure de consultation.

– Sa nécessité a d’emblée été mise en doute, du fait que les titres – authentiques ou sous seing privé – peuvent aujourd’hui déjà avoir force exécutoire (en tant que reconnaissance de dette dans la mainlevée provisoire selon l’art. 82 LP).

– D’une manière générale, la crainte que soient ainsi privilégiés des créanciers dominants sur le marché s’est exprimée (donneurs de crédits p. ex.), au détriment en particulier des petites et moyennes entreprises ainsi que des consommateurs.

– Le statut plus favorable que les décisions judiciaires dont jouiraient les titres authentiques dans l’exécution de créances en argent a été également critiqué. D’après l’avant-projet, la déclaration exécutoire aurait permis au créancier de requérir directement la continuation de la poursuite (art. 88 LP) – sans poursuite préalable (voir art. 341 AP). Le créancier au bénéfice d’un titre authentique aurait été avantagé, non seulement sur le plan de la procédure, mais aussi sur le plan temporel (voir art. 110 LP).

– La «procédure préliminaire» portant sur l’octroi par l’officier public d’une clause d’exécution (art. 339 AP) a été rejetée: cette procédure a été considérée, d’une part, comme trop lourde et, d’autre part, le pouvoir de cognition (limité) de l’officier public est apparu comme étranger au système et peu clair. Bien que le projet ait tenu compte de ces critiques (voir le commentaire des articles respectifs), le Conseil fédéral a maintenu l’institution du titre authentique exécutoire et ce pour les raisons suivantes:

– Tout d’abord, la Suisse peut mettre ainsi un terme à la discrimination qui existait vis-à-vis des Etats parties à la convention de Lugano. Les titres authentiques de ces pays doivent aujourd’hui déjà être exécutés en Suisse selon les mêmes procédures que les jugements (art. 50 CL), tandis que les titres authentiques dressés en Suisse ne bénéficient pas du même traitement à l’étranger, faute d’une réglementation juridique claire.

– Le titre authentique exécutoire peut en outre apporter des avantages notables dans les rapports juridiques à l’intérieur de la Suisse, par une simplification de l’exécution (protection du créancier) et en contribuant à décharger les tribunaux.


p. 6995: Art. 347 : En règle générale, le titre authentique exécutoire peut avoir n’importe quelle prestation pour objet (phrase introductive; pour les exceptions, voir art. 348): une prestation pécuniaire, unique ou périodique (p. ex. le remboursement et les intérêts d’un prêt, le versement d’une rente), une prestation en nature (p. ex. la livraison d’une chose mobilière, des travaux de construction), une déclaration de volonté (la réquisition de transfert de la propriété immobilière au registre foncier ou d’octroi d’un droit réel restreint sur un immeuble). La procédure se déroule toutefois différemment selon que le titre authentique porte sur une prestation en argent ou sur un autre type de prestation:

– Une prestation en argent s’exécutera comme aujourd’hui par voie de poursuite, mais ce type particulier de titre authentique vaudra dorénavant titre de mainlevée définitive (art. 349).

– Le titre authentique ayant pour objet une prestation non pécuniaire sera exécuté selon la procédure spéciale prévue aux art. 350 et 351. Pour que le titre authentique puisse être exécuté ainsi, il doit cependant remplir des conditions, formelles et matérielles, déterminées:

1. Il doit être dressé selon les prescriptions cantonales applicables en matière d’instrumentation des actes authentiques (art. 55 Tit. fin. CC).

2. Il doit contenir une déclaration d’exécution directe de la partie qui s’oblige (let. a). La déclaration d’exécution directe doit être faite en personne par la partie qui s’oblige; la représentation – conférée par pouvoirs exprès – est toutefois admissible. L’officier public a un devoir spécial d’information: il lui incombe de renseigner la partie qui s’oblige sur les conséquences de sa déclaration.

3. La cause juridique de la prestation promise doit être mentionnée dans le titre authentique (let. b). En revanche, il n’est pas nécessaire d’instrumenter tout le contenu de l’obligation en la forme authentique. Un titre authentique exécutoire peut ainsi être instrumenté après coup, pour des prestations qui ont déjà été convenues oralement, par voie électronique ou en la forme écrite simple. Une reconnaissance abstraite d’obligation ne suffit pas.

4. La prestation due doit être suffisamment déterminée dans le titre (let. c, ch. 1). Une prestation en argent doit ainsi être chiffrée ou pouvoir être quantifiée sans équivoque. Les principes valables pour la reconnaissance de dette selon la LP s’appliquent ici aussi.

5. La partie qui s’oblige doit avoir reconnu la prestation due dans le titre (let. c, ch. 2).

6. Enfin, la prestation due doit être exigible (let. c, ch. 3), pour une prestation pécuniaire, au moment de la notification du commandement de payer (art. 71 s. LP), et, pour une autre prestation, au moment de la notification du titre à la partie qui s’oblige (art. 350, al. 1). L’exécution directe du titre authentique est laissée au libre choix de l’ayant droit. En lieu et place, il lui est loisible d’agir en justice pour obtenir une décision judiciaire sur sa prétention et, ensuite, d’en demander l’exécution par la voie ordinaire.