Art. 308 Décisions attaquables
1 L’appel est recevable contre:
a.
les décisions finales et les décisions incidentes de première instance;
b.
les décisions de première instance sur les mesures provisionnelles.
2 Dans les affaires patrimoniales, l’appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10 000 francs au moins.
Le système des voies de recours Les recours se situent à la croisée d’intérêts divergents de l’Etat de droit. Ainsi, l’objectif d’un jugement qui soit aussi juste et conforme au droit que possible ne peut être atteint que grâce à un système de voies de recours suffisamment développé; d’un autre côté, cependant, l’exigence d’une justice rapide et peu dispendieuse – thème qui est aussi d’actualité dans le cadre des réformes judiciaires entreprises à l’étranger – implique une limitation du nombre des voies de droit. Entre ces deux objectifs antagonistes, le projet emprunte la voie du compromis . A l’instar des systèmes cantonaux, le projet renonce à introduire le recours unifié , contrairement à la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral dans le cadre de la réforme de l’organisation judiciaire. Le projet prévoit, au contraire, conformément au modèle classique, une pluralité de voies de recours . La grande majorité des participants à la consultation a salué ce choix, alors que l’unité des voies de recours dans le cadre de la réforme de l’organisation judiciaire fédérale n’a pas pu être pleinement réalisée. L’avant-projet prévoyait trois voies de recours principales : l’appel (art. 290 ss AP), l’appel simplifié, une variante de l’appel (art. 299 ss AP) et le recours limité au droit (art. 310 ss AP). Par souci de simplification, certains participants à la consultation ont préconisé la fusion de l’appel simplifié et de l’appel. Tenant compte de cette suggestion, le projet prévoit les voies de droit suivantes:
– l’ appel , voie de recours principale, recours ordinaire avec un plein pouvoir d’examen (art. 308 à 318);
– le recours en tant que voie, par principe, subsidiaire, recours extraordinaire avec pouvoir d’examen limité (art. 319 à 327a);
– la révision , ainsi que l’ interprétation et la rectification en tant que moyens de droit extraordinaires (art. 328 à 334).
Il convient d’éviter que les voies de recours soient utilisées à des fins dilatoires , ce qui prolongerait la procédure et retarderait l’exécution des décisions. Aussi le projet prévoit-il que tout recours – l’appel, le recours et la révision – peut être rejeté sur-le-champ et sans que la partie adverse se soit déterminée, s’il apparaît comme étant manifestement irrecevable ou infondé ( examen préalable , voir art. 312, 322 et 330). La deuxième instance peut en outre prendre en considération les chances d’aboutissement d’un recours en retirant ou en accordant l’effet suspensif .
Exigences de l’organisation judiciaire fédérale Les instances de recours cantonales doivent se conformer aux exigences de la loi sur le Tribunal fédéral, afin que la saisie du Tribunal fédéral ne soit pas entravée:
– Le principe du double degré de juridiction s’applique (art. 75 LTF). D’après ce principe, une décision cantonale de première instance doit être déférée devant une instance cantonale supérieure avant d’être portée devant le Tribunal fédéral.
– Le pouvoir d’examen de la dernière instance cantonale ne doit pas être plus restreint que celui du Tribunal fédéral (art. 111 al. 3 LTF).
– Dans les litiges patrimoniaux, les questions juridiques de principe peuvent être soumises au Tribunal fédéral alors même que les limites de la valeur litigieuse fixées par la loi sur le Tribunal fédéral ne sont pas atteintes (art. 74 LTF). Les décisions prises dans de tels litiges doivent être sujettes à recours sur le plan cantonal si l’on veut satisfaire au principe du double degré de juridiction .
Le projet respecte entièrement ces exigences. En effet, il soumet tout d’abord toute décision prise en première instance cantonale à recours au plan cantonal. Lorsque l’appel n’est pas recevable en raison d’une valeur litigieuse trop basse (art. 308) ou de l’existence d’une exception (art. 309), le recours est ouvert (art. 319 ss). Il correspond au recours en matière civile quant aux griefs pouvant être invoqués (art. 95 ss LTF). En revanche, le projet utilise pleinement les – rares – possibilités de recours direct au Tribunal fédéral prévues par la loi sur le Tribunal fédéral (art. 75 al. 2 et 77 LTF). En effet, la décision prise en instance cantonale unique (art. 5), rendue par le tribunal de commerce (art. 6) ou prononcée suite à une action directe devant le tribunal supérieur (art. 8), ainsi que la sentence rendue par un tribunal arbitral (art. 389), peuvent être directement attaquées devant le Tribunal fédéral (voir ch. 2 de l’annexe).
Art. 308 et 309 Décisions attaquables - En règle générale, toute décision de première instance en matière contentieuse ou gracieuse (décision au fond ou d’irrecevabilité) est sujette à appel (art. 308, al. 1), qu’elle ait été prononcée en procédure ordinaire, simplifiée, sommaire ou de droit de la famille. Peu importe également qu’il s’agisse d’une décision finale ou incidente (art. 236 s.). Seules les ordonnances d’instruction ne sont pas sujettes à appel: elles peuvent toutefois faire l’objet d’un recours mais à certaines conditions (art. 319 let. b). Les décisions relatives aux mesures provisionnelles en particulier sont aussi sujettes à appel.
Le régime de l’appel connaît cependant des exceptions importantes:
– L’appel n’est pas recevable contre les décisions prises en instance cantonale unique (art. 5 à 8) ou par un tribunal arbitral (art. 356).
– Les causes civiles de nature patrimoniale ne sont sujettes à appel que si la valeur litigieuse atteint au moins 10 000 francs (art. 308, al. 2). Si tel n’est pas le cas, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 ss). Comparée aux droits cantonaux en vigueur, la valeur litigieuse minimale a été légèrement augmentée (la plupart des cantons prévoient un montant de 8000 francs). La valeur litigieuse minimale ne doit pas être calculée – contrairement à ce que prévoyait l’avant-projet (art. 290, al. 2, AP) – selon le système du gravamen (selon ce système, la valeur litigieuse est déterminée par la différence entre le montant des dernières conclusions maintenues et celui admis dans le jugement de première instance. Les cantons de BL et BS appliquent cette méthode ), mais correspond au montant qui était encore litigieux au moment du jugement de première instance. Le système du gravamen a été très contesté lors de la consultation car il restreint encore davantage les voies de recours. Il n’a pas réussi à s’imposer non plus lors des délibérations parlementaires sur la loi sur le Tribunal fédéral. Comme il serait contradictoire de calculer différemment la valeur litigieuse selon que le recours soit cantonal ou fédéral, ce système doit être abandonné. Les causes civiles de nature non patrimoniale (p. ex. les causes relatives à un état) sont, en revanche, toujours sujettes à appel.
– La limite de la valeur litigieuse est aussi valable pour le recours contre des mesures provisionnelles ordonnées dans un litige de nature patrimoniale, ainsi que pour le séquestre au sens de la LP: la décision sur opposition peut être ainsi attaquée par appel si la valeur de l’objet séquestré atteint au moins 10 000 francs (art. 278, al. 3, P-LP; voir ch. 17 de l’annexe); si tel n’est pas le cas, il faut intenter un recours (art. 319 ss).
– Une série de décisions prises en procédure sommaire ne sont pas non plus sujettes à appel (art. 309): celles rendues par le tribunal de l’exécution (let. a) et dans certaines affaires relevant de la poursuite pour dettes (let. b). Ces cas demandent à être liquidés rapidement. La mainlevée définitive de l’opposition, par exemple, aboutit déjà en principe à une décision exécutoire et, en cas de mainlevée provisoire, le débiteur peut opposer toutes les objections en intentant une action en libération de dette. Une voie de recours avec pouvoir d’examen complet n’est par conséquent pas nécessaire. Ces décisions sont néanmoins sujettes au recours (art. 319 ss; voir ch. 17 de l’annexe).
– Enfin, l’appel peut être écarté par une disposition spéciale du projet: c’est le cas notamment de la décision sur les frais, laquelle ne peut pas être attaquée séparément, quand bien même la cause principale serait sujette à appel (art. 110).